Conférence Journée du patrimoine, Fouesnant

Rencontres au carré : quatre femmes face à la mer – Douarnenez

Article paru dans OUEST France le 10 juillet 2012

La mer, un milieu d’homme ? À l’occasion des Rencontres au carré, quatre femmes intimement liées à l’océan ont démontré le contraire…

Invitées aux premières « Rencontres au carré » organisées au Port-musée, quatre femmes ont raconté à bâtons rompus leurs expériences de vie. Professionnelles de la mer, chercheuse sur cette question, ou épouse de pêcheur, chacune appréhende la question forte de ses expériences et, pour faire mentir Renaud, prouve que la femme ne préfère pas toujours la campagne. « Je navigue seule depuis 1983, je suis femme et fille de marin-pêcheur, et même mère de marin-pêcheur ! », lance Scarlette Lecorre, pêcheuse côtière en retraite depuis 2 ans. « Mon métier, c’est une passion. C’est 100 heures de travail par semaine ! »

Un temps passé en mer dont Christine Spinec sait quelque chose : mariée à un marin-pêcheur, elle a élevé les enfants du couple. « On s’est rencontré quand il était encore à chauffer les bancs de la fac. Lui, il voulait faire la pêche. Mais on lui a dit que ce n’était pas un métier pour quelqu’un comme lui, qui avait des capacités à l’école. » Après deux ans d’étude, le Sénan s’est finalement tourné résolument vers son amour de jeunesse : la mer.

L’océan, un monde à part

Tout comme Corinne Audigane, tourangelle d’origine, qui a fait la connaissance de la grande bleue lors de ses vacances familiales en Vendée. « À chaque fois que je rentrais chez moi, je pensais que j’étais chagriné parce que je quittais mes copains. Ca n’était pas que ça ». La mer avait accompli son oeuvre de séduction : la jeune femme ne cessera de tenter de se rapprocher de l’océan. Elle deviendra même skipper. C’est toujours près des bateaux qu’elle rencontrera son époux, lui aussi navigateur. Et ensemble ils bâtiront leur propre navire et deviendront formateurs. Vivre la mer en couple, c’est une expérience saugrenue qui a interpellé Stéphanie Brulé-Josso, docteur en ethnologie à l’Université de Bretagne occidentale. Lors de sa thèse, la scientifique s’est intéressée à la transformation ou au maintien des relations hommes-femmes à bord de bateaux de plaisance.

« Nous avons donc embarqué avec mon mari et mes enfants. Je me suis retrouvée chef de bord, j’assurai le rôle d’autorité sur le navire. » Une expérience difficile à plus d’un titre. Cet engagement constant à la manoeuvre l’a notamment sensiblement éloignée de ses enfants. L’époux de Christine Spinec, embarqué pour de longues périodes, a pu, lui aussi, avoir des difficultés à rester en phase avec sa famille.« Quand il partait pour la pêche à la légine, il embarquait 4 mois et ne revenait que 15 jours. Je lui disais, « ton linge à pas le temps de sécher ! »

Une acceptation récente

Des femmes aux expériences exceptionnelles, qui peinent parfois à trouver leur place dans un milieu réputé viril. « Il arrive encore que sur le ponton on me demande : ou est le skipper ? » s’amuse Corinne Audiganne. Plus étonnant encore : jusqu’au milieu des années 1980, les femmes marins n’avaient pas de statut. « Avant 1987, des femmes comme moi, on n’existait pas. Si j’avais disparu en mer, mes gosses n’auraient pas été enfants de péri en mer… » souligne Scarlette Lecorre. Signe que le changement, dans les esprits comme les actes, est bien récent.

Mercredi 11, de 15 h à 17 h. 2 e rencontres au carré autour de l’éconaviguation. Avec Jean-Baptiste Fleitour, directeur du port de plaisance, Alain Bourmaud, chercheur à l’université de Bretagne sud, Pierre-Yves Gloanec d’Avel-Vor technologie et l’association Econav. Accessible avec l’entrée au Port-musée.

Sylvain SAUVAGE